Entre Call Of et Titanic, il n'y a qu'un pas ~ Kieran

Ça faisait quelques semaines que je vivais avec Kieran, l’homme que j’avais employé à sa sortie de prison en tant que barman, et tout se passait parfaitement bien, autant au boulot qu’à l’appartement. C’est un bon colocataire, il n’est pas bruyant, ni pervers, et il voulait payer quelques trucs pour contribuer un peu à la vie à l’appart ‘. On était rapidement devenus amis, il nous arrivait de jouer aux jeux vidéo ensemble, de partager quelques trucs… Même si ça ne m’a jamais gênée de vivre seule, sa compagnie est agréable. Il n’a jamais été violent envers moi, mais j’ai toujours un peu peur que con côté sombre finisse par ressortir. Puis, je l’apprécie énormément, je me demande souvent si je ne le considère pas comme plus qu’un ami… Il me perturbe en fait.

J’ai envie de jouer à Call Of Duty mais ce serait ridicule de jouer seule… ! Surtout qu’il aime bien ce jeu et qu'on est deux, donc je me dirige vers sa chambre et frappe. J’attends qu’il m’autorise à entrer et je lui dis sur le pas de la porte une fois qu’il a ouvert :

« Tu viens jouer avec moi ? J’ai envie de te battre à Call Of, comme d’habitude en fait. On sait bien que c’est toujours moi qui gagne ! Hein ? »

J’avais dit ça sarcastiquement parce que j’avais dû gagner une seule partie, tout au plus contre lui. Après avoir parlé à une vitesse affolante, je retourne dans le salon en attendant qu’il me rejoigne. Je couvre mes jambes d’une couverture parce que j’ai un peu froid, c’est un peu normal d’un côté vu que je me balade en short et en débardeur. Je me rends compte que c’est stupide que je me sois installée car j’ai oublié d’allumer la PS3. Je me lève péniblement, appuie sur le bouton de la console et mets le jeu à charger. Je prends les manettes, puis retourne dans le canapé. Je le vois arriver et je décide de lui proposer quelque chose qui le fera probablement rire :

« Tu sais quoi ? Celui qui remporte la partie aura le droit qu’on regarde un de ses films. Autrement dit, si je gagner, on regarde un de mes films de filles. T’es d’accord ? Puis si tu gagnes, ben on regardera un film de garçons. »

C’est sûr que niveau cinéma, on n’a pas vraiment les mêmes goûts ! Je suis une fan incontestée de Titanic et de N’oublie jamais, alors qu’il est plutôt branché films d’actions. Je sais aussi qu’il aime lire et moi aussi j’adore ça. Il écoute aussi de la bonne musique, genre du bon rock. Peut-être qu’on se ressemble plus qu’on pourrait le croire en fait…

De la prison, je garde quelques habitudes. Ces habitudes qui sont ancrées en moi et qui ne disparaîtront que dans quelques mois, voire, quelques années. Parfois, lorsque je me réveille en pleine nuit et que je vais jusqu'à la fenêtre, j'ai encore l'impression qu'il y a des barreaux. Je les cherche. Mes doigts cherchent à les serrer. Mon front cherche ce contact froid et métallique. Et je réalise seulement après qu'ils ne sont plus là. Que je ne suis plus en cellule et que je suis libre de mes mouvements. Cette porte qui est la mienne n'est pas verrouillée et je ne dois pas attendre plusieurs heures avant qu'elle ne s'ouvre.
Mais je garde aussi cette manie d'être tranquillement allongé sur mon lit, un bouquin dans les mains. Lorsque je ne bosse pas et que je me sens assez reposé, je m'installe confortablement et je lis tout ce que je trouve. Je traînais souvent dans la bibliothèque de la prison. Elle était certes, peu remplie, mais c'était un endroit calme dans lequel je me sentais vraiment bien. Les livres m'ont été d'un grand secours et je sais que sans cela, j'aurai pu faire beaucoup plus de conneries. Cela me permettait de faire le vide, de mettre quelques barrières entre la vie réelle et mon imagination. Je levais le voile entre la prison et l'extérieur. Parfois, je n'avais qu'à fermer les yeux et je pouvais sentir le vent frais sur ma peau – mais il y avait toujours quelqu'un qui me ramenait sur terre.

Un coup frappé à la porte me sort de mes songes. Nul doute qu'il s'agit d'Ella, je l'invite à faire son apparition et me redresse sur mon lit. Sa tête blonde apparaît tandis qu'elle reste sur le seuil de la porte. « Tu viens jouer avec moi ? J’ai envie de te battre à Call Of, comme d’habitude en fait. On sait bien que c’est toujours moi qui gagne ! Hein ? » Un rire m'échappe. Comment ne pas rire après une telle... ironie ? Impossible. J'adore cette fille parce qu'elle a les mêmes délires que moi et elle adore les jeux vidéos – lorsqu'elle me l'a dit, j'ai cru que j'allais faire une crise cardiaque tellement j'étais heureux. Généralement, les femmes sont chiantes avec ça, mais elle... Non, elle assure. « J'arrive dans deux minutes et tu regretteras cette offense, femme ! » dis-je dans un nouveau rire. Je glisse le marque-page dans le bouquin, le ferme et le pose contre ma table de chevet. Je me lève ensuite, enfile un pull léger et part la rejoindre dans le salon.
Je contourne le canapé, me jette dessus – avec toute la délicatesse dont je suis capable, cela va de soi-, et lui lance un petit regard amusé tandis que je prends la manette entre les mains. « Tu sais quoi ? Celui qui remporte la partie aura le droit qu’on regarde un de ses films. Autrement dit, si je gagner, on regarde un de mes films de filles. T’es d’accord ? Puis si tu gagnes, ben on regardera un film de garçons. » Hum. Proposition intéressante, mais qui me fout une grosse pression. D'accord, elle n'a gagné qu'une fois et je ne devrais craindre pas grand chose, mais franchement, on ne sait jamais ! Merde, si je perds, ça va être la honte et en plus, il faudra que je me tape un film de gonzesse que je ne supporte absolument pas – dedans, elles chialent, elle sont jalouses, elles cassent les bonbons, quoi.

« OK ma belle ! Mais je te préviens ; tu viendras pas pleurer quand il y aura des scènes sanglantes dans le film que je compte mettre une fois que j'aurai remporté cette partie. » dis-je un peu trop sûr de moi. Hum, en fait, il aurait peut-être fallu que je ferme ma gueule, parce que là, je me fous deux fois plus la pression. Si je perds, non seulement ça va être la honte, mais en plus, je vais passer pour le gros nul de service.
Je me lève rapidement du canapé, me dirige vers la cuisine où je prends deux bières dans le frigo avant de le refermer. Je les décapsule et les pose sur la table basse qui se trouve devant nous – ça donnera un peu de courage. « Prête pour la pire défaite de toute ta vie ? » demandai-je, incapable de faire autrement que croire que je vais être le meilleur au monde. Si je me plante, je me jette par la fenêtre.

Il me dit qu’il vient dans deux minutes et que je regretterai « cette offense », c’est ce qu’on verra ! Femme… Pff ! Je m’amuse à rentrer dans son jeu :

« Peut-être… Homme ! »

Du coup, je me tire dans la pièce principale après lui avoir fait un sourire malicieux. Quand il arrive dans le salon, il se jette littéralement sur le canapé même si j’avoue que j’aurais préféré que ce soit sur moi, mais bon, on fait avec ce qu’on a hein ! Tant pis, je me défoulerai sur Call Of, à défaut d’une bonne partie de jambes en l’air. Il me prend la manette des mains, presque persuadé qu’il va gagner mais je ne sais pas, j’ai un bon pressentiment comme quoi je vais peut-être le battre pour la deuxième fois de ma vie ! C’est pour ça que je tente quand même de lui proposer de regarder un de ses films ou des miens en fonction du gagnant.

Comme si j’allais pleurer lors des scènes sanglantes… J’avoue, il a raison, j’en suis capable. Au pire, il sera là donc ce n’est pas si dramatique que ça. Le truc avec ces films-là, c’est qu’il faut se dire que ça n’existera jamais, c’est rassurant en quelque sorte. Il se la joue sûr de lui, et je pense qu’il l’est vraiment. Y a de quoi, vu le nombre de fois qu’il m’a mis la pâtée !

Il se lève du canapé et reviens avec deux bouteilles de bière décapsulées. Ça sera pour me morfondre une fois que j’aurai perdu… Pour noyer mon chagrin dedans. La pire défaite… J’explose de rire, je pense que le pire serait de voir un de ses films ! Je lui retourne la question en lui tirant la langue, ouais je suis restée une grosse gamine… !

« Et toi ? »

Je lance le jeu et là, je me lâche sur ma manette. J’appuie sur tous les boutons, je teste des techniques pour arriver à le détrôner mais je n’ai pas grand espoir ! Je fais des grimaces quand il marque des points. Il m’énerve ! Il est vraiment trop fort, roh… Il m’arrive même de râler tellement ça m’agace qu’il gagne ! Je bois quelques gorgées de bière de temps à autre. Là, la partie se termine bientôt et pour une fois, j’ai pas mal d’avance sur lui. Je suis fière de moi sur ce coup-là. Plus que quelques secondes et… HALLELUJAH ! Mwahaha, je vide ma bouteille d’un trait et commence à sauter sur le canapé comme une petite fille qui découvre qu’elle a eu la dernière poupée à la mode. Et là je dis sûrement le truc le plus débile du monde pour une fille de mon âge :

« Nanananèreuuuuh. »

Je suis vraiment stupide, j’ai la blonde attitude et c’est pas pour de faux, moi au moins ! Je bondis presque vers la console pour l’éteindre et allume le lecteur DVD. Je me retourne vers lui avec un sourire victorieux, un peu comme si j’avais gagné la guerre :

« Titanic ? »

Je ne sais même pas pourquoi je lui pose la question alors que c’est à moi de choisir. J’insère le DVD, et je vais chercher du chocolat. Normalement, je suis parée pour pleurer : un homme à côté et du chocolat, c’est parfait. Je pose la tablette entre nous deux et démarre le film. Je coupe un morceau de mon élixir et je verse déjà une larme quand la vieille Rose apparait à l’écran en sachant qu’elle va leur raconter sa tragique histoire d’amour avec Jack. Moi aussi j’aimerais trouver un homme comme ça, prêt à tant de choses pour moi…

« Et toi ? » me demande-t-elle. Oh, petite fleur, je ne compte pas perdre la partie. Du coup, je lui lance un petit regard suffisant accompagné d'un sourire en coin. Il faut que j'assure. Il faut que je gagne parce que sinon, je vais être dans la merde. Je ne veux pas être un cobaye, je ne veux pas être devant la télévision en train de me dire que tous ces films sont des conneries. Merde, si je perds, non seulement mon égo en prendra un sacré coup, mais en plus, je vais être à jamais une cible pour ses moqueries et autres taquineries.
Je bois une longue gorgée de bière et nous commençons la partie. Je suis relax, je reste détendu, mais je garde en mémoire le fait qu'il faut que je gagne et que je ne me déconcentre pas. J'ai de l'avance sur les points, je jubile comme un roi. Elle râle, je me marre comme un con... Oh putain, elle remonte le score. Non, non, non et non ! Elle ne peut pas. Rha putain, c'est pas possible ! Je bois de nouveau dans ma bouteille et la repose sur la table basse. Je me concentre de nouveau, il faut que je remonte, mais la partie se termine et... elle gagne. Ella gagne cette putain de partie. Je suis fichu.

Elle saute sur le canapé comme une folle et moi, je suis dépité. Sérieusement, je me suis fais battre à un moment où il ne fallait absolument pas que je perde ! « Nanananèreuuuuh. » me nargue-t-elle et dans mon coin, je boude. Oui, voilà, nous avons tous les deux des réactions très adultes qui prouvent que nous sommes bons joueurs ; tss, je suis trop un mauvais perdant, j'ai le seum. Je termine ma bouteille de bière et m'affale un peu plus sur le canapé. Une sorte de gémissement plaintif m'échappe.
Elle bondit hors du canapé, éteint la console et allume le lecteur DVD, et là... « Titanic ? » Putain, le drame de toute ma vie. Je suis certain qu'elle savait que j'allais perdre parce que je ne suis pas dans un bon jour. Elle a du lire mon horoscope qui prédisait ce genre de merde – ouais, je divague, je sais. « Sérieusement ? TITANIC ? » demandai-je en passant une main sur mon visage. C'est le film le plus interminable de tous les temps, même si on sait tous comment ça se termine tellement ils en on fait un tapage médiatique à l'époque de sa sortie avec toutes les récompenses gagnées.

Elle lance le film et ramène du chocolat. Je crains le pire. Même avec Alizea je n'ai jamais voulu mettre ce film. Elle pouvait être la plus suppliante du monde, c'était un non ferme et catégorique et là, à cause d'un fichu pari... rha.
Une espèce de vieille dame apparaît à l'écran, je fronce les sourcils. Je sens déjà que ça va être long, très très long. « Haw, je vais reprendre des bières, tiens... » dis-je en me levant rapidement du canapé. Il en faut au moins des dizaines pour que le temps passe plus vite et que je sois assez ivre pour supporter ces niaiseries. À l'époque, toutes les gonzesses étaient amoureuses de Jack, ça m'a toujours paru bizarre. Pourtant, je ne vois rien chez lui qui pourrait réellement plaire – peut-être parce que je suis un mec, ouais.
Quoiqu'il en soit, je reviens au salon avec le pack de bières – ça évitera que je me relève toutes les dix minutes et un paquet de chips. « Franchement, Ella... pourquoi ce film ? Il dure trois heures... C'est quand même vachement long... En plus, tu connais déjà la fin. Même ceux qui l'ont jamais vu -comme moi-, connaissent déjà la fin. » dis-je dans l'espoir qu'elle éteigne le film et qu'on se refasse une partie (je sais, je rêve trop). J'ouvre le paquet de chips en faisant un peu -beaucoup- de bruits, ce qui m'arrache un sourire d'ordure en puissance.

Il paraissait sidéré quand je lui annonçais qu’on allait regarder Titanic. Peut-être bien que dans le fond, il aimait lui aussi ce film et refusait de l’admettre ? Ça se trouve, il cache un grand sentimental derrière cette carapace de gros dur, on va peut-être pleurer ensemble ? Je sais que je vais craquer, j’ai un peu commencé d’ailleurs mais c’est normal… C’est un des films les plus tristes de tous les temps.

« Ben oui… Oh. »

Je ramène du chocolat et une fois de retour dans le canapé, je m’aperçois qu’il fronce les sourcils, bien qu’absorbée par le film. Je le regarde d’un air interrogatif, je ne veux pas qu’il me plante là, surtout si on a parié ! Il se lève juste pour aller chercher des bières et revient avec un paquet de chips en plus. J’étais soulagée qu’il ne soit pas parti se coucher sans m’adresser un mot. Même ça, regarder Titanic avec moi, mon ancien petit copain de l’a jamais fait, alors que j’étais prête à tout pour lui… La preuve, j’avais fait n’importe quoi la fameuse nuit où on avait fui ensemble. Enfin, il ne valait mieux pas y penser… C’est du passé tout ça.

Il râle déjà parce qu’il va rester là pendant trois heures, je ne peux pas m’empêcher d’afficher un sourire victorieux alors qu’il rajoute que c’est je cite « vachement long ». Oui, je connais déjà la fin mais j’ai lu dans un magazine sur la psychologie, que pleurer rend heureux, c’est étrange mais c’est comme ça. Je tire encore un peu la couverture sur moi en lui en passant la moitié, mais il m’énerve lorsqu’il ouvre son paquet de chips pas vraiment silencieusement. Je le pousse du bout du doigt et je le fusille du regard, ensuite je m’adoucis.

« Roooh mais arrête ! Tu fais trop de bruit ! C’est un de mes films préférés et il est chouette ! Voilà pourquoi. Et non, je ne vais pas éteindre, tu restes jusqu’au bout. Niark, niark, niark. En plus, tu l’as jamais vu ! Tu raterais quelque chose… T’as qu’à te rincer l’œil sur Rose en attendant ! »

Maintenant, Rose se raccroche à la poupe du paquebot, voulant se suicider en se jetant dans l’eau parce que personne ne comprend à quel point elle souffre de vivre dans ce monde de gens riches dans lequel elle ne se sent pas à sa place. Et s’il n’avait pas été là ? Rose aurait-elle osé sauter dans l’eau glacée ? A chaque fois, je sursaute quand elle dérape mais que Jack arrive en héros et la sauve. Puis, lors de la scène où il lui apprend à cracher comme un homme, je m’esclaffe jusqu’à temps que la coincée de mère de Rose débarque avec son air prétentieux, et je me moque d’elle. J’ai peur qu’il s’ennuie et je décide d’entamer la conversation lorsque Jack dit que la vie est un don et qu’il ne faut pas la gâcher :

« Dis… Qu’est-ce que tu ferais toi, pour profiter de la vie ? Enfin… Il y a quelque chose que tu rêverais de faire, maintenant ? »

Je le regarde avec insistance. Personnellement, je crois que j’ai ma petite idée. Je sais ce que je vais faire. Je dois essayer, il faut que je sache ce que je ressens pour Kieran. Je sais que ce n’est pas une simple amitié, il y a plus que ça. Je dois l’embrasser, je dois vraiment savoir. Je ne lui laisse pas le temps de me répondre que je m’approche de lui assez rapidement et m’empare de ses lèvres, tout en plaçant mes mains autour de son visage. Instantanément, je regrette même si ça a éveillé quelque chose de très fort en moi. Je recule, je ne dis rien et je réalise que c’est bel et bien plus qu’un ami. Il ne ressent probablement pas ça, or de mon côté, je constate que ça s’approche de plus en plus de l’amour… Je m’étais pourtant jurée de ne plus tomber dans le piège de ce sentiment aussi magique que destructeur, mais il était trop tard pour faire marche arrière… Je me sens honteuse, je rougis et dis à une vitesse affolante :

« Oublie ça… Tu veux ? Désolée… Je n’aurais jamais dû faire ça, c’était idiot… Ne fais aucun commentaire s’il-te-plait. »

Ben ouais… Il manquerait plus que ça qu’il dise quelque chose à propos de ma bêtise. J’essaye de vite me replonger dans le film, mais c’est difficile après ce que je viens de faire… C’est comme si je n’avais pas pu me contrôler, c’était trop bizarre.

« Roooh mais arrête ! Tu fais trop de bruit ! C’est un de mes films préférés et il est chouette ! Voilà pourquoi. Et non, je ne vais pas éteindre, tu restes jusqu’au bout. Niark, niark, niark. En plus, tu l’as jamais vu ! Tu raterais quelque chose… T’as qu’à te rincer l’œil sur Rose en attendant ! » Je fronce les sourcils et me demande pendant quelques secondes si elle ne plaisante pas... mais visiblement, pas du tout. Attends, elle est vraiment sérieuse, là ? Elle croit que je vais mater l'espèce de Rose et que j'ai la sensation de vivre un moment extraordinaire parce que je regarde une histoire à l'eau de rose qui, au delà de l'aspect historique qui relate de faits réels, a été conçu uniquement pour faire fondre les jeunes femmes ? Ce fichu monde ne tourne pas rond.
Je lui coule un regard en coin, j'arbore mon air le plus désespéré que que j'ai en stock. « Si j'avais eu l'impression de rater quelque chose, je l'aurai regardé bien avant... et ta Rose ne m'intéresse absolument pas. » répondis-je en laissant ma tête retomber contre le dossier du canapé. Je repousse la couverture -j'ai pas envie de ressembler à une mémère-, et porte la bouteille à mes lèvres. J'en bois plusieurs gorgées et la repose ensuite sur la table basse.

Putain, ce film est vraiment long, quand même. L'espèce de gourdasse qui souhaite se foutre en l'air et qui au final, a la trouille quand elle est dans le vide, l'autre espèce de beau-gosse qui vient d'un autre monde et qui la sauve... c'est une histoire bateau. Et bien évidemment, la jeune femme de bonne famille s'éprend du mec qui vient de nul part, celui-ci en tombe fou amoureux également et c'est la grosse merde parce que personne n'est d'accord. Mais elle, au moins, elle se sent bien avec le minet à la coiffure étrange –je suis un bon critique-. « Dis… Qu’est-ce que tu ferais toi, pour profiter de la vie ? Enfin… Il y a quelque chose que tu rêverais de faire, maintenant ? » me demande brusquement Ella et cela me tire de mes rêveries.
Hum, c'est une assez bonne question à laquelle je n'ai jamais franchement pris la peine de répondre. Pourtant, quand on se trouve en taule, on ne rêve que d'une chose : la liberté. Mais une fois qu'elle est acquise... à quoi on rêve, exactement ? Moi, j'en sais rien. Je dirais bien un truc con ; vivre une vie tranquille, sans que les problèmes ne reviennent dans ma vie -mais je sais que cela resterait dans le domaine du fantasme et de l'illusion. Maintenant que j'ai mis un pied là-dedans, je sais que cela laisse des traces et je ne suis plus à l'abri de rien.

C'est à ce moment que je sens qu'elle me regarde avec insistance. Je me tourne vers elle, un sourcil levé. Quoi ? J'ai un truc sur la gueule ? Qu'est-ce qui se passe ? Je le découvre bien rapidement lorsqu'elle prend mon visage entre ses mains et m'embrasse assez tendrement. Je reste sous le choc, je ne m'y attendais absolument pas et... woah ! Depuis la taule, je n'avais embrassé aucune demoiselle... Il faut dire que lorsqu'on passe six ans derrière les barreaux, ça laisse pas franchement de temps pour faire des nouvelles rencontres et encore moins pour se faire des petites amies... Et à la sortie, je ne me voyais pas faire cela avec n'importe qui. Elle recule, moi également. Merde. C'était quoi ça ? Et pourquoi c'était si agréable ? Même encore plus que ça...
« Oublie ça… Tu veux ? Désolée… Je n’aurais jamais dû faire ça, c’était idiot… Ne fais aucun commentaire s’il-te-plait. » Que j'oublie. Elle est marrante quand même, cette fille. Elle m'embrasse, se recule et me demande faire comme si il n'y avait jamais rien eu... Pas logique. Et elle veut que je fasse quoi ? Que je dise quoi ? Bordel.

« OK. » Bon, ce n'était pas franchement une remarque pertinente et dire qu'elle est pathétique serait un euphémisme. « Tu m'as pris pour Jack, c'est ça ? » demandai-je en fronçant les sourcils. Ouais, j'essaye de rendre la situation moins bizarre et faire en sorte que ce soit moins gênant, parce que là, je la sens tellement tendue que ça me stress également.
« Pourquoi c'était idiot ? » demandai-finalement. « Parce que je suis ton colocataire ? Parce que tu es ma patronne ? Ou parce que... » Et là, quelque chose commence à prendre forme dans ma boite crânienne -un cerveau, oui !-, mais plus encore ; une idée concrète : si elle m'embrasse, cela veut peut-être dire qu'elle ressent ce que je ressens également en sa présence ? Il est évident qu'Ella ne me laisse pas indifférent, il faudrait être aveugle ou gay pour ne pas être en admiration devant cette femme, mais franchement, qu'est-ce qu'elle me trouverait, à moi ? Je suis qu'un pauvre gars qui a fait de la taule et qui mérite probablement rien de mieux. Ouais ou peut-être parce qu'elle n'envisage rien avec un mec comme moi... « … Tu veux des chips ? » lui demandai-je en lui donnant le paquet. Je me referme peu à peu et rentre dans ma coquille. Non mais qu'est-ce que tu espérais, Kavanagh ? Une belle maison, un jardin, une femme et une flopée de marmots ? PATHÉTIQUE.

Décidément, il n’a pas l’air d’apprécier ce chef d’œuvre du cinéma… Ni même l’actrice principale qui en a fait fantasmer plus d’un à l’époque de la sortie du film. Au moins, j’ai peut-être une chance qu’il préfère les blondes… Bon… Ou alors il est vraiment compliqué comme mec, y a éventuellement un peu des deux. Puis là, je pose une question qui n’a probablement aucun sens et je ne le laisse pas répondre, je l’embrasse comme si c’était tout à fait normal. Je sens que c’est agréable, j’espère qu’il apprécie autant que moi et que je ne le dégoute pas… Je me recule très vite et je commence à me confondre en excuses. Il dit simplement « ok » et je suis soulagée, ce que j’ignorais c’est que c’était pour quelques petites secondes. Je suis encore plus ridicule quand il s’enquière de si je l’ai pris pour Jack. Je soupire et secoue la tête, jusqu’à temps qu’il demande pourquoi c’était idiot, et je trouve le temps de bégayer comme quelqu’un qui aurait fait une connerie et là, c’est parfaitement le cas…

« Euh… Non. Laisse, c’était une pulsion… Je… Enfin j’ai… »

Non, je n’ai pas le droit de le dire… Je vais tout foutre en l’air, et je ne veux pas faire ça… Qu’est-ce que je m’en veux d’avoir fait ça ! Je ne sais vraiment pas me contrôler, c’est une catastrophe… C’est carrément pathétique. Il enchaine en se questionnant sur le fait que ce soit idiot parce que je suis sa patronne – sortir avec un de mes employés ne me gênerait pas – ou si c’est dû au fait qu’il soit mon coloc’… Il ne comprend rien, à quoi je m’attendais ? C’était évident que ça serait plus compliqué que prévu. Il ne me suffisait pas de lui sauter dessus pour que ça marche, la preuve.

« J’ai fait n’importe quoi. Et… Ce n’est pas ce que tu crois. »

Je devrais vraiment me taire, et passer à autre chose, je m’enfonce là, je m’enterre même. Plus ça va, plus je dis n’importe quoi et ça empire la situation. J’ai vraiment un don pour me mettre dans la merde. Puis le « ce n’est pas ce que tu crois », c’était vraiment déplacé et là, s’il ne comprenait pas que je ressentais quelque chose d’étrange, je n’avais plus qu’à aller chercher la mort aux rats ! Comme s’il ne s’était rien passé, il me proposait des chips.

« Non, merci. »

Je souhaite lui dire mais ce serait une chose complètement insensée… Du coup je me tais, ça vaut mieux. Il fait des commentaires auxquels je ne réponds que rarement, de crainte de balancer un truc stupide. J’essaye d’apprécier le film, mais je n’arrive pas à oublier ce que je viens de faire. Ça serait inquiétant mais bon… Je dois au moins en tirer une satisfaction, il ne m’avait pas repoussée : est-ce que je devais considérer que j’avais quasiment gagné ? Ou alors, il est juste en manque. Ce qui serait compréhensible, je le vois jamais rentrer avec des filles à l’appartement ou bien sortir.

Rose vole, Jack aussi. Ils sont les rois du monde tous les deux et ils me rendent un brin jalouse… Je voudrais vraiment vivre quelque chose d’aussi sensationnel si seulement ça pouvait bien finir. Ensuite, ils fuient à travers tout le paquebot ensemble pour échapper aux sbires de Cal, ils se réfugient dans une voiture puis font l’amour. Ils partent encore et assistent à la collision du Titanic avec l’iceberg. Comme d’habitude, cette scène me fait un choc, même si on sait depuis longtemps que leur couple est condamné… Est-ce que c’est possible de s’aimer comme eux ils s’aiment ? Et là, c’est plus fort que moi, je ne retiens pas mes larmes, je pleure comme une madeleine. Je prends un morceau de chocolat, mais ça ne change rien, logique.

J'ai un peu de mal à comprendre pourquoi elle m'a embrassé si soudainement. Ce n'était clairement pas désagréable, bien au contraire, mais j'avoue que je suis plus que surpris. Je ne pensais pas qu'Ella aurait voulu d'un mec comme moi ; un mec qui sort de taule, un mec qui pue les embrouilles à cent kilomètres et qui n'est pas franchement très bavard, qui se soucie bien peu du monde et qui passe son temps seulement dans le lieu où il bosse, rien de plus. Mais dans le fond, s'intéresse-t-elle vraiment à moi ou n'était-ce qu'une pulsion qui ne veut rien dire ? En toute franchise, je me pose trop de questions.
« Euh… Non. Laisse, c’était une pulsion… Je… Enfin j’ai… » Finalement, elle conforte ma pensée. Ce n'était qu'une pulsion, rien de plus. Je ne sais pas pourquoi, mais brusquement, cela me chagrine et me pèse un peu. Peut-être parce que ça m'aurait pas dérangé qu'elle veuille plus -he non, je ne suis pas en chasse ou carrément en manque. Je ne parle pas de choses sexuelles, mais bien d'une sorte d'histoire. « J’ai fait n’importe quoi. Et… Ce n’est pas ce que tu crois. » Je tourne mon visage vers elle, je cherche d'autres réponses dans ces traits, mais je ne trouve rien du tout. Je ne comprends plus rien. « Ah, ouais, d'accord, OK. » dis-je finalement, comme si cela ne me dérangeait pas outre mesure alors que dès à présent, il y a une vrai tempête en moi.

Je lui propose finalement des chips, mais elle décline ma proposition. Du coup, je mange tranquillement dans mon coin en faisant mes petits commentaires pendant le film ; il me donne envie de me pendre immédiatement. Très sérieusement, ce type de film, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé. De loin, je préfère largement les films d'action ou les films bien sanglant avec des scènes de torture ou ce genre de conneries qui me font bien rire. Mais là... C'est insupportable et niais à souhait.
Ils font des cochonneries dans une bagnole, ils courent comme des malades sur le paquebot jusqu'à ce qu'il percute cet iceberg. Je regarde l'heure, je me demande combien de temps il reste avant la fin ; est-ce que cela va être encore long ? Est-ce qu'il va vite perdre la vie ou bien ? Merde, tout le monde sait comment ça se termine, pas besoin d'en faire toute une montagne. Quoique, j'espère qu'il y aura des scènes amusantes quand ils tomberont à la flotte.

J'entends un sanglot à côté de moi. Je tourne la tête découvre Ella en larmes ; pas étonnant, la majorité des filles pleurent pendant ce film et elle, elle ne fait clairement pas semblant. Comme je ne suis pas un mauvais, je passe mon bras autour de ses épaules et l'attire contre moi. De la sorte, je la réconforte comme je le peux, même si je ne peux en faire plus ; bah ouais, aux dernières nouvelles, je ne suis pas en mesure de réécrire l'histoire.
Le type dont je sais plus trop le nom accuse Jack d'être un voleur et ils retrouvent le collier dans sa poche -bah tiens !- puisque l'autre vieux l'avait glissé dedans quelques secondes plus tard. L'autre Rose doute et ils conduisent le Leonardo je ne sais pas trop où et l'attache à un tuyau. Non mais qu'est-ce que c'est long... et qu'elle est cruche, l'autre. Depuis quand on doute de l'homme qu'on aime, uh ?

« Ça va ? » demandai-je à la jeune femme tandis que je la garde toujours contre moi. Merde, à part ma petite sœur, habituellement, je ne console personne parce que je sais pas trop y faire. « Je sais pas pourquoi tu t'entête à voir ce film tout en sachant que tu vas pleurer avant, pendant et après. » dis-je finalement en roulant des yeux. Non sérieusement, c'est un peu un comportement de masochiste, ça.

Je suis tellement troublée par ce baiser et durant un instant, j’aurais aimé qu’il me repousse et que je passe à autre chose. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé… Que ressentait-il pour moi ? Etait-ce de la compassion ou de la pitié ? Peut-être qu’il m’appréciait, avec un peu de chance. Que je n’étais pas seulement sa patronne et accessoirement, sa colocataire. Je sais que je ressens quelque chose de bizarre, peu importe qu’il sorte de prison, peu importe ce qu’il a pu faire par le passé. Je sais qu’il y a une espèce d’alchimie entre nous et ça… ça ne m’était pas arrivée depuis longtemps. Depuis cette fois où je suis tombée amoureuse au point d’en quitter ma ville, ma famille et tous mes amis. Je lui explique que ce n’était qu’une pulsion alors qu’en fait, c’est un des plus gros mensonges que je n’ai jamais dit. Pourquoi dit-il juste ça ? C’est injuste… J’ai fait le premier pas, et c’est le plus gros du boulot. Pourtant, il réagit comme ça, comme s’il s’en foutait.

Je me concentre de nouveau sur le film et je m’aperçois qu’il regarde sa montre de temps en temps. Ça m’exaspère ! Comment être indifférent à Titanic ? Ce n’est juste pas possible, c’est trop magnifique. Evidemment, je me mets à pleurer parce que c’est de plus en plus émouvant. Et soudain, Kieran s’approche. J’espère qu’il va m’embrasser, comme je l’ai fait il y a peu de temps mais non, il passe juste un bras autour de mes épaules, comme pour me réconforter. Ça, personne ne l’avait jamais fait pour moi avant. Quand j’étais encore à Détroit, je pleurais toute seule dans ma chambre en regardant des films déprimants et voilà. Désormais, je suis contre lui et je n’ose plus bouger car je me sens bien, mieux même. C’est comme si rien ne pouvait m’atteindre.
Là, c’est le moment où un des sbires de Cal fait accuser Jack d’avoir volé le Cœur de l’Océan en le mettant dans la poche d’un manteau qu’il aurait « emprunté ». Puis, Jack se retrouve menotté et seul dans une salle. Je ne comprendrais jamais pourquoi Rose a douté de l’homme qu’elle aimait… Je n’aurais jamais pu les laisser l’emmener si j’avais été elle, je me serais battue pour lui, peu importe ce qui aurait pu arriver par la suite.

Puis, Kieran me demande si ça va. Je ne sais pas trop comment réagir, ni quoi répondre vu que je ne sais pas comment je vais. J’ai toutes les raisons pour aller bien, même si y a cette histoire de cadavre caché qui me hante encore. J’ai tout pour être heureuse : un bar à moi, mon appartement et un colocataire plus que sexy. Je relève la tête en regardant ce dernier droit dans les yeux, puis je fixe le sol :

« Je crois, oui. Et toi ? »

C’est un automatisme, si on me demande si ça va, peu importe les circonstances, je ne peux pas m’empêcher de retourner la question. Il va peut-être me répondre quelque chose du genre « ça irait mieux si tu me forçais pas à regarder tes films », je ne sais pas, une réflexion de garçon. Il finit par me faire comprendre que c’est stupide de regarder Titanic tout en sachant que je vais pleurer.

« C’est vrai mais c’est tellement beau… Tu trouves pas ? C’est dommage qu’il n’y ait aucun homme capable de faire tant chose pour la femme qu’il aime… »

« Je crois, oui. Et toi ? » me répond-t-elle en fixant le sol, tandis qu'un sourire étire mes lèvres. Pourquoi les femmes pleurent-elles toujours devant ce film ? Pourquoi pensent-elles toutes que c'est la plus belle histoire qui puisse unir un homme et une femme ? Je ne comprends pas franchement l'intérêt de ce film et encore moins l'engouement qu'il a suscité – mais c'est probablement parce que je suis un homme et que je suis moins sensible qu'elles toutes. « Ouais, même si le temps est long. » dis-je dans un sourire, amusé. Malgré tout, je ne fais pas le mauvais et je ne vais pas dire que le film est très chiant -même si il l'est, cela va de soi-. Après tout, je n'avais qu'à pas perdre la partie et actuellement, nous serions devant un film bien sanglant.

« C’est vrai mais c’est tellement beau… Tu trouves pas ? C’est dommage qu’il n’y ait aucun homme capable de faire tant chose pour la femme qu’il aime… » J'arque un sourcil tandis que mes yeux restent sur la télévision. Je ne trouve pas ça spécialement beau, pas même émouvant, pas même... sublime. Bref, pour moi, ce n'est qu'une histoire qui a pour but de vendre du rêve à des demoiselles et qui vont permettre à ces jeunes femmes de faire des comparaisons entre ce film et la réalité. « Pas vraiment. » répondis-je en toute sincérité. Je ne vais pas mentir, si je n'aime pas, je ne vais pas prétendre le contraire.
Après, je pense que certains hommes sont capables de faire autant de choses pour la femme qu'ils aiment. Moi, même si elle n'est pas « ma femme », pour ma petite sœur, j'ai sacrifié ma vie. Et je pense que ça, c'était une preuve d'amour, même si celle-ci m'a conduit à être derrière les barreaux. Mais on ne peut jamais faire ce qu'ils font dans les films ; pour nous, les conséquences sont réelles.

Machinalement, mes doigts jouent avec quelques mèches de ses cheveux tandis que je suis le court des événements. « Je pense que tu te trompes. Certains hommes sont capables d'en faire autant. » dis-je finalement, avant de reprendre ; « Puis, franchement, il y avait assez de place sur cette putain de porte quand ils se retrouvent dans la flotte. » ajoutai-je en souriant. Non mais c'est vrai, ils auraient pu tenir à deux, donc il faut peut-être que le scénariste explique pourquoi il a voulu faire autant de mal aux héros de ce film.
« Et au pire, pourquoi elle ne l'a pas suivi dans la mort ? Roméo et Juliette n'ont pas hésité, eux. » dis-je en faisant la moue. Pour moi, l'histoire de Shakespeare est de loin la meilleure et je pense qu'elle dessine parfaite la complexité des relations amoureuses. Est-on capable de mourir pour la personne qu'on aime ? Oui, sans nul doute. Vivre sans son âme sœur est bien trop difficile, non ? Alors franchement, la Rose peut se cacher.

« Quelle est la pire chose que tu ais faite par amour ou la plus belle, cela dépend du point de vue ? » demandai-je finalement à Ella. Je ne sais pas pourquoi, mais cette question m'est venue naturellement. Puisqu'on en parle, autant en apprendre un peu plus sur l'autre.

Il me demandait si ça allait alors que j’étais en larmes à cause du film. Il faut avouer qu’il m’avait toujours fait cet effet là mais que je l’aimais toujours autant – Titanic, évidemment. J’ai encore envie de l’embrasser pour lui faire passer le temps qu’il dit trouver long mais pas que pour cette raison en fait… Je chasse cette idée de mes pensées car ça ferait pas mal de pulsions en si peu de temps. J’apprécie qu’il ne se barre pas en plein milieu de ce moment aussi émouvant que possible. J’ai l’impression d’être cruelle, en le faisant regarder un film qu’il n’aime sans doute pas… Mais c’était le jeu ! Je le regarde, les yeux encore un peu embués à cause des larmes, puis lève les yeux au ciel en riant. Je fixe l’écran, toujours submergée par l’émotion, c’est le cas de le dire…

Je lui fais part de ma vision des choses qui est probablement celle de quelques autres filles. J’aurais tellement aimé que mon ex petit ami fasse lui aussi, quelques sacrifices pour moi, qu’il soit autant impliqué que moi dans cette relation au point de faire une énorme bêtise… Il ne partage pas ce point de vue et je suis prête à en parler avec lui, non pas pour essayer de le convaincre de penser comme moi mais pour le comprendre. Je m’apprêtais à lui demander de développer au moment où il commença à jouer avec quelques-unes de mes mèches de cheveux. Il faut avouer que ce n’était pas déplaisant mais après le baiser, ça me rendait d’autant plus confuse dans ce que je ressentais.
Il m’apprend que certains hommes sont capables d’en faire autant que Jack mais j’en doute. Peut-être parce que je suis tombée que sur des cons de première dont un qui m’a un peu forcée à laisser un cadavre… Mais c’est vrai que Jack aurait pu venir, lui aussi, sur cette porte… Je trouve tout ça trop injuste. Heureusement que ce film n’est qu’un chef d’œuvre de fiction !

« Mouais… J’avoue que je ne m’étais jamais posée la question pourquoi il n’était pas resté avec elle… Imagine à quel point elle a dû souffrir… ! »

Ensuite, il se demande pourquoi elle ne l’a pas suivi dans la mort… Je n’ai jamais envisagé ça non plus. Ça porte à réflexion ce genre de choses ! C’est vrai que Roméo et Juliette ne sont pas comparables… Leur histoire est sans doute la plus belle mais la plus tragique de toutes. Comment la haine peut-elle pousser deux personnes qui s’aiment d’un amour si puissant à en finir de crainte de perdre leur âme sœur ?

« C’est vrai… Alors tu préfèrerais mourir avec celle que tu aimes si je comprends bien ? »

Je trouvais sa vision des choses vraiment d’elle à tel point que j’en venais à douter de la mienne… ! C’est lorsqu’il me posa la question suivante que je me retins de ne pas fondre en larmes et de lui raconter tout ce que j’ai fait par le passé… Ici, ce serait plutôt la pire chose que j’ai faite par amour et non pas la plus belle : c’est vraiment horrible… Je préfère lui retourner la question pour l’instant :

« Et toi ? »

J’attends qu’il me réponde mais je me dis que si une personne peut comprendre ce que j’ai fait, c’est bien lui… Pourquoi ne pas lui accorder ma confiance à ce sujet-là ? Je pense que oui. Désormais, je ne m’occupais plus du film et je me concentrais pleinement sur ce que je m’apprêtais à lui révéler. Allait-il me considérer différemment après ça ? Est-ce qu’il me verrait comme une fille horrible ? Je ne voulais pas être cette fille-là à ses yeux… Les larmes coulent malgré moi et cela s’entend dans ma voix.

« Bon… Ce n’était pas une bonne idée de te retourner la question. J’espère que tu ne me verras pas comme je suis vraiment, c’est-à-dire une fille monstrueuse et ignoble, et abominable mais puisque tu le demandes... »

J’inspire un grand coup avant de lui confesser le plus gros crime que j’ai commis :

« Mon petit ami de l’époque a tué un homme. Et je l’ai aidé à cacher le corps… »

J’ai peur de la réaction de Kieran, alors je me lève, puis me mords littéralement les doigts tellement ce que j’ai fait m’envahit de culpabilité… Encore aujourd’hui, il m’arrive de faire des cauchemars de cette nuit-là.

« Je préférerais que les flics me retrouvent, je mériterais d’être punie pour ce que j’ai fait… Je devrais me livrer à eux… Ils feraient ce qu’ils auraient à faire et la justice serait déjà rien qu’un peu rétablie. »

J’attrape mon portable qui était posé sur une table d’appoint et je compose le numéro des autorités pour me rendre. J’aurais dû le faire depuis bien longtemps. J’explose en sanglots et je glisse petit à petit contre le mur, puis m’écroule. Je replie mes jambes contre ma poitrine et les entoure de mes bras afin de cacher mon visage… J’ai tellement honte, j’ai peur qu’il m’abandonne lui aussi… Je crois que ce serait la pire façon au monde de me punir… Enfin, j’attends une réponse du commissariat de police le plus proche.

» kieran (+) my life makes me wanna run away.
» kieran (+) a thousand times I tempted fate.
» Crowley } Hey stranger when may i call you my own?