TC - BRAQUAGE À LA SUPÉRETTE

Je fais mes courses, comme n'importe quelle autre personne dans cette supérette. Quelques briques de lait, de la tequila, de la bière, une tablette de chocolat, des chips, une boite de steak hachés, des oeufs... Bref, mon chariot se remplit bien. Et d'un seul coup, un coup provenant d'une arme, une scène plutôt surprenante se déroule. Je manque de m’étouffer... de rire. Le mec est tout transpiré, il semble absolument pas sur de lui et il a sans doute du oublier qu'il y avait des caméras de surveillance dans le magasin. Je me retiens de rire. Je m'avance tranquillement en poussant mon chariot pour observer la scène de plus près, au moment même ou le mec enfile sa cagoule. Mais alors quel crétin, il fait tout à l'envers celui-là. Mais quelle idée de faire ça... Il vient de cesser de téter les nichons de sa môman et il a voulu faire croire qu'il était rebelle ou quoi? quitte à braquer quelque chose, déjà tu choisis pas la supérette pourrie du coin, et en plus tu le fais bien et de préférence pas à l'heure de pointe ou tout le monde vient faire ses courses. Mais la plus part des autres personnes ne voient pas les choses du même oeil, sans doute sont-elles peu habituées à ce genre de chose. Non pas que j'assiste à des braquages tous les jours, c'est juste que des mec comme lui, j'en connais des tonnes, et même armé, je vous garantis qu'ils sont facile à briser. « Hé gamin à quoi tu joues? » Ça m'a échappé. Mais comme je ne suis pas directement en face de lui, je ne sais pas si il a remarqué que s'était moi. Je me rassure en me disant que j'ai un couteau sur moi et que je pourrais probablement lui faire déguster mes 12 oeufs, avec coquilles, si jamais ça dégénère.

Il y avait un coin de son esprit qui croyait avec véhémence que s’il plissait assez les yeux, il arriverait à mieux distinguer les deux plats préparés qu’il tenait dans chaque main. Pour lui, il n’y avait aucune différence entre les deux poulets au curry mais le prix largement plus élevé de l’un laissait entendre une qualité supérieure, mais vraiment, qu’est ce qu’il pouvait en savoir de ces choses là ? La fainéantise l’avait amené ici. Oh sur, son frigo contenait assez de restes pour qu’il se nourrisse, mais les plats – comme tout plat entamé que l’on délaisse pendant quelques temps – n’avaient plus rien d’appétissant. Sa mère lui avait appris que c’était mal de gâcher. Elle lui disait aussi qu’un jour il succomberait d’une intoxication alimentaire s’il ne vidait pas son frigo de temps à autres. Ipso facto il était allé à la supérette. Et c’est ainsi qu’il se trouvait, comparant le mérite d’économiser de l’argent contre celui d’un repas plus sain pour se donner bonne conscience, quand un coup de feu le fit sursauter. Comme un animal qui entend une brindille craquer, il leva la tête rapidement à la recherche de la source du bruit. Il ne mit pas longtemps. Il était difficile d’ignorer la masse tremblotante et humide qui enfilait à la hâte sa cagoule. Mace avait déjà le visage du jeune homme imprimé sur sa rétine et il secoua la tête, partagé entre l’ahurissement et l’amusement. Bien sur son cerveau, en bon bourreau, choisit ce moment précis pour rapporter son attention sur la main du braqueur, ses jointures blanches agrippées autour de l’arme. L’homme s’exprima enfin, avec toute l’originalité que l’on peut espérer d’un braqueur, et Mace resta figé sur place. Son regard balaya les visages autour de lui, certains effrayés et d’autres baignés d’intensité, comme débattant intérieurement le mérite d’intenter une action héroïque. Mace n’avait pas la prétention d’être un héros. Il voulait juste acheter un truc à balancer dans son micro-onde pendant deux minutes. Ça devait être le karma. Une personne dans le rayon d’à côté se mit à adresser l’intrus et Mace sentit un rire nerveux naître dans le fond de sa gorge. « Insulter le mec avec l'arme...ça semble être la démarche logique et intelligente à adopter» murmura-t-il plus pour lui-même qu’autre chose. Hors de question qu’il meure aujourd’hui, tué par balles dans une supérette, un plat surgelé dans chaque main. Question de dignité.

Je venais tout juste de terminer ma journée et je m'apprêtais à rentrer chez moi. Sur mon trajet, se trouvait la petite supérette du coin qui ne payait pas de mine. Cependant, elle me fit penser que j'étais désormais en pénurie de dentifrice à l'appartement ce qui à la longue, pouvait devenir gênant. Ainsi, je décidai de m'y arrêter pour acheter ce qu'il me manquait et en profitai pour acheter deux ou trois bricoles dont j'avais également besoin. Autour de moi, se trouvait bon nombre de gens qui se contentaient de faire leurs courses, sans rien demander à personne. Je fis de même. Une fois mon panier rempli de ce dont je voulais, je fis un dernier tour pour m'assurer que je n'avais rien oublié. Je n'avais sûrement pas envie de revenir le lendemain, étant une personne qui n'aimait pas perdre ne serait-ce qu'un peu de son temps et encore moins à cause d'une telle activité. Mais alors que j'entamais ma dernière ronde, j'entendis un bruit assourdissant s'envoler dans les airs. Ce son que je ne connaissais que trop bien pour avoir grandi avec des malfrats. Surprise, je me tournais à la recherche de sa source et fût davantage étonnée lorsque je la vis. Ou plutôt, lorsque je le vis. Il n'était en rien menaçant et semblait même peu assuré dans ses gestes et ses mots. Si bien qu'il en avait oublié de rabâttre son bonnet sur son visage. Je fronçais les sourcils, agacée par cette mascarade. Je n'étais pas prête à gaspiller mon temps pour ces conneries, j'avais bien d'autres choses à faire encore. Et pourtant, bien qu'il me semblait inoffensif à première vue, il avait cette chose que je ne possédais pas : une arme. Ne pouvant contrer cet avantage, je décidai de rester debout en attendant que ce mec finisse son drôle de numéro.